APPEL DES ASSISES

 SUR LA PRECARITE DE L’EMPLOI DANS LA RECHERCHE ET L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Un riche débat s’est tenu à l’occasion des Assises de la Précarité dans la Recherche et l’Enseignement Supérieur, ces 21 et 22 septembre 2004. De nombreux témoignages ont attesté de la situation inacceptable des travailleurs et chômeurs précaires : non-reconnaissance de leur travail, angoisse quant à l’avenir, ressources insuffisantes, manque de protection sociale.

1)     Une précarisation massive et destructive, toutes les catégories sont concernées : doctorants, chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et personnels techniques, ouvriers et administratifs sont concernées, ce qui représente entre 15 et 20 % des emplois des établissements publics, sans compter la précarité qui se développe en marge de ces derniers. Cette précarisation est liée étroitement aux financements de la recherche sur projets, sur appels d’offres, contrats publics ou privés, fondations, externalisations, etc… Cette précarisation qui pèse particulièrement sur les jeunes et sur les femmes, mais aussi sur celles et ceux confrontés à un handicap, menace l’ensemble du service public, ses missions, et met en cause le statut de la Fonction Publique, comme le droit du travail. Elle est fortement impulsée par les politiques déployées en France et en Europe, contre la recherche et l’emploi scientifique statutaire publics. En particulier, la précarisation met en péril l’indépendance et la continuité des missions des personnels de la recherche publique.

2)     Sortir de la précarisation, exige de répondre aux besoins sociaux, d’imposer le développement de l’emploi scientifique dans toutes ses dimensions. Ces emplois doivent être garantis par les références des emplois statutaires, de titulaires dans la Fonction Publique et de contrats à durée indéterminée (CDI) dans le secteur privé ou dépendant du Code du Travail comme les EPIC.

Il est maintenant avéré que la France, et nombre de pays européens ont accumulé des retards dans leur développement scientifique, culturel, technologique. Il faudrait créer au total 110.000 emplois dont 60 000 chercheurs (chercheur, enseignant chercheur, ingénieur de recherche) dans la recherche publique ou privée en France d’ici 2010. Cela implique un plan pluriannuel de 7 000 créations d'emplois publics par an. Les moyens budgétaires devraient croître de 10 % l’an dans la recherche comme dans l’enseignement supérieur public pour atteindre au moins 3 % du PIB pour l’ensemble de la recherche, publique et privée en 2010.

Cela doit s’accompagner des moyens budgétaires de l’Etat aux niveaux nécessaires pour développer la recherche publique tant fondamentale qu'appliquée. L’Etat ne doit pas se décharger de ses responsabilités en matière de financement de cette recherche. Le recours aux crédits incitatifs doit être limité et ne doit pas s’accompagner de la création d’emplois temporaires, précaires.

 

Le projet de budget 2005 qui vient d’être exposé par le Ministre est très loin de ces exigences.

 

a)       Il reprend les mesures déjà décidées le 7 avril 2004, sans mesures nouvelles significatives. En matière d’emploi, la seule annonce de 150 créations d’emplois de maîtres de conférences est très loin des exigences portées par le mouvement du printemps dernier. Dans la recherche et l’enseignement supérieur publics, il n’y a aucune création d’emploi ITA ou IATOSS, aucune création d’emplois de chercheurs statutaires.

b)       En matière de crédits recherche, les 356 millions d’euros, au BCRD, annoncés ne compensent que très partiellement les coupes budgétaires des années précédentes, et le milliard annoncé est un trompe-l’œil : ce n’est pas 1 milliard supplémentaire pour la recherche.

c)       Ce projet de budget est donc très loin de la priorité nationale à la recherche qui avait été annoncée en mars dernier par les responsables de l’Etat.

 

Les Assises appellent à développer des revendications fortes 

 

Nous demandons que soient assurés l’emploi, les droits de tous les acteurs de la recherche, en particulier que soient garanties leurs représentations dans les différentes instances, avec :

·         Une nouvelle évaluation des besoins en emplois statutaires dans toutes les catégories de personnels ;

·         En urgence un plan d’intégration de tous les personnels précaires qui exercent, même de manière intermittente, sur des fonds publics, des activités correspondant à des besoins permanents ou bien, dont les travaux attestent de leur participation à la politique scientifique ;

·         Une mise en place d’un cadre juridique national pour les doctorants, garantissant le salaire, les droits sociaux et la validation de ces années de travail pour la retraite. Il faut mettre un terme au système des libéralités, ne reconnaissant pas les droits ni l’appartenance à la communauté de travail scientifique des jeunes chercheurs ; il est urgent d’augmenter de façon significative le nombre et le volume des Allocations de Recherche ;

·         Pour les docteurs, le recrutement dans l’emploi dans la fonction publique ou dans le secteur privé doit se faire au plus près de la thèse, avec les garanties du statut de la fonction publique ou celles des contrats de travail à durée indéterminée, dans le privé. Cela exige la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives et dans les fonctions publiques.

 

Le service public de recherche et de l’enseignement supérieur est un atout pour mettre en œuvre ces objectifs. Pour cela, il doit être renforcé et démocratisé à tous les niveaux de son fonctionnement.

 

Quatre propositions d’initiatives et d’actions

 

a.           Revendiquer les moyens budgétaires nécessaires pour développer l’emploi statutaire et résorber la précarité ;

b.           Mettre sur pieds un “ Observatoire de la Précarisation dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche ”, en partenariat avec des associations et des organisations syndicales ;

c.           Dès maintenant, exiger dans les Conseils d’Administration des établissements, la transparence sur les situations des personnes rémunérées sur crédits, un bilan et un débat sur la situation de l’emploi, statutaire et non-statutaire.

d.           Modifier les textes réglementaires, de façon à prendre en compte au moment de l’intégration les années de travail précaire effectuées.

Pour cela, il est indispensable, dans le prolongement de ces Assises, d’ouvrir largement le dialogue, le débat et l’action avec l’ensemble des personnels titulaires, précaires, avec les étudiants, sans exclusion :

- Contre la précarisation, pour l’emploi scientifique stable et statutaire.

- Pour un budget 2005 et une loi d’orientation et de programmation répondant aux réels besoins sociaux.

 

Les Assises se prononcent pour les actions les plus larges sur la question des budgets recherche et enseignement supérieur, dès maintenant et au moment de leur discussion au Parlement. L’Intersyndicale appelle à établir, par labos, départements, UFR, de premiers bilans des personnels exerçant en situation précaire. À partir de ces premiers bilans avec les personnels concernés, l’Intersyndicale propose d’informer largement la presse, de s’adresser aux administrations et responsables concernés, et d’interpeller les parlementaires en ce sens, dès avant la discussion au Parlement du projet de budget 2005.

 

Dans ces mêmes prochaines semaines, les Assises appellent à se mobiliser et à intervenir à tous les niveaux dans le processus des Etats Généraux et dans le cadre de la préparation de la Loi d'Orientation et de Programmation de la Recherche, en particulier sur ces objectifs de développement de l’emploi scientifique et de lutte contre la précarité.

 

Les organisation syndicale et associations signataires : SNTRS-CGT (CNRS, INSERM), SNCS-FSU, SNESUP-FSU, SGEN-CFDT(CNRS, INSERM), STREM-SGEN-CFDT, SUD-Éducation, SUD-Recherche-EPST, SUP'Recherche-UNSA, A&I UNSA,  SNPTES-UNSA, FERC-Sup-CGT, CFDT-INRA, CGT-INRA, UNEF, CJC, Mouvement des Chercheurs Précaires,   ……..

                                                                                                                                             PARIS, le 29 septembre 2004