Dès sa première réunion, le 15 novembre 2010, le nouveau Conseil Scientifique du CNRS souhaite s’exprimer sur le volet recherche du Grand Emprunt. Une partie importante de la somme versée au titre des « investissements d’avenir » sera en réalité prélevée sur le budget de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, comme l’indique un document de la Présidence de la République2. De fait, les informations fournies par la direction du CNRS permettent de prévoir une diminution de plus de 10 % des crédits de fonctionnement en 2011. Le financement par le Grand Emprunt va ainsi contribuer à réduire le soutien de base aux laboratoires, qui est pourtant largement considéré comme le seul susceptible de soutenir des recherches originales, indépendantes des modes.
Dans le cadre de ce Grand Emprunt, de nombreux appels d’offres ont été lancés à l’été 2010 — Equipex (équipements d’excellence), Labex (laboratoires d’excellence), Idex (Initiatives d’excellence), SATT (sociétés d’accélération du transfert de technologie), IHU (Instituts Hospital-Universitaires) —, obligeant les candidats, dans l’urgence, à élaborer des projets scientifiques et à définir des nouvelles structures. Pour les Labex, la première étape passait par le regroupement d’équipes notées A+ par l’AERES, qui a fonctionné comme une agence de notation, et non pas d’évaluation, loin de la mission qui était celle du Comité National3.
En France, la recherche publique est effectuée pour l’essentiel dans des UMR, laboratoires qui dépendent à la fois des EPST et des universités. Compte tenu des moyens qui y sont affectés, ce système fait preuve d’une efficacité reconnue internationalement. Avec les Labex et les Idex (ces derniers regrouperont « 5 à 10 pôles pluridisciplinaires d’excellence », sélectionnés eux-mêmes en fonction de la présence des Labex), c’est la notion même de laboratoire qui va disparaître. Constitués souvent sur la base d’équipes ou de chercheurs venant de laboratoires différents, ces Labex vont inévitablement fragiliser la structure UMR, en la déstructurant. La nouvelle gouvernance issue de la formule Labex/Idex orientera le travail de recherche selon des procédures qui ne sont pas celles des EPST et universités, en particulier sans les conseils qui comprennent des élus du milieu.
Beaucoup de scientifiques ont postulé à ces nouvelles structures non pas parce qu’ils les approuvent, mais parce qu’ils ne veulent pas prendre le risque de se retrouver demain hors-jeu, sans le label « Labex » que très peu obtiendront, et qui est annoncé comme le sésame pour obtenir les moyens de travailler, puisque le soutien de base semble appelé à disparaître. Quel sort sera réservé à la grande majorité des laboratoires, qui n’auront pas de Labex ?
Dans cette recommandation, le CS du CNRS se fait l’écho de l’inquiétude et du désaccord de la communauté scientifique face aux bouleversements engagés de la gouvernance et du mode de financement de la recherche, dont absolument rien n’indique qu’ils soient de nature à apporter une amélioration de l’efficacité du système de recherche en France.
Le CS alerte les responsables politiques et les dirigeants des EPST et des universités : la déstructuration permanente par création incessante de nouvelles structures qui s’ajoutent aux précédentes et les déstabilisent, la destruction des modes de gouvernance existants imposés aux scientifiques au lieu d’être élaborés avec eux, risquent d’avoir des effets très négatifs sur la recherche publique de notre pays.
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